50px
25px

Mari-Claude Lapointe

Entretien avec Marie Vien

2 avril 2015
50px
25px
Bloc texte

Marc Grégoire

Après avoir vu le film La passion d’Augustine, que j’ai beaucoup aimé, je me suis permis de  contacter son auteure pour comprendre d’où lui était venue son inspiration. La scénariste Marie Vien, qui a eu l’idée originale du film, qui en signe les dialogues et en cosigne le scénario avec la réalisatrice Léa Pool, nous parle ici de la genèse de La passion d’Augustine.

Propos recueillis par Marc Grégoire.

 

 

 

Marie Vien :

Marie VienJ’ai vécu mon enfance et mon adolescence comme pensionnaire dans un couvent de religieuses. Avec Marie Cloutier, ma meilleure amie, on a fait 15 ans de musique ensemble. On jouait de la musique matin, midi et soir et on gagnait tous les concours. Quand ce n’était pas moi qui étais première, c’était elle, et vice-versa. La musique a rempli toute notre enfance et notre adolescence.

Puis en 2009, Marie Cloutier meurt tragiquement. Alors que j’assiste à ses funérailles dans l’église, un flash me traverse l’esprit. Je nous revois toutes les deux au piano découvrir Back, Beethoven, et jouer des concertos en cachette parce qu’on n’avait pas le droit de jouer ça. Alors je lui dis dans ma tête : Écoute Marie, je vais écrire un film dont le thème sera un petit couvent de musique sur le bord du fleuve.

Une semaine plus tard, je vais rencontrer la sœur Violette Blais, qui est la directrice de l’école de musique Vincent D’Indy. Je lui dis : Je ne connais rien dans le domaine des sœurs mais je veux écrire un film qui se passe dans un petit couvent. Je fais alors plusieurs rencontres avec elle pour qu’elle m’explique ce qu’était la vie dans un couvent, la hiérarchie, tous les petits rituels. Puis elle me propose de rencontrer d’autres religieuses. C’est comme ça que je me suis ramassée à la maison-mère des sœurs du Saint-Nom-de-Marie sur la Rive-Sud. J’y ai rencontré des dizaines de sœurs, une sœur qui était maîtresse de discipline dans un petit couvent, des supérieures de couvent, etc.  Elles m’ont parlé entre autres des rituels des cloches : la petite cloche de la supérieure aux repas qui dit : Vous avez vos permissions, la cloche du lever et du coucher, le clocheton du couvent, la cloche de l’église à côté… Tout était régi par la cloche! Avec ces rencontres, je commençais à voir des personnages. Par exemple, on me disait que le plus important dans un couvent, c’était la cuisinière, parce que si elle n’était pas bonne, il fallait manger sa bouffe et ça c’était pas le fun! Ça, ça m’a inspiré sœur Saint-Donat, et ainsi de suite.

Mais je n’avais toujours pas ma prémisse. J’ai continué mes recherches en lisant les chroniques des couvents qui allaient de 1930 jusqu’à 1970. Parce que chaque sœur écrivait dans son agenda ce qui se passait dans les couvents. C’était tellement plate, tellement ennuyant! : Nous allons fêter Saint-Joseph… Le chanoine Rancourt est venu nous voir pour bénir nos élèves… etc. J’étais sur le point de tout laisser tomber quand je suis arrivée aux années 60 et là, les propos changent dans les chroniques : Vatican II nous demande de nous dépouiller de notre patrimoine, de notre costume… On prie le Seigneur d’être courageuses dans une période si difficile. Les sœurs m’ont dit : Nous, durant cette période de cinq ans, nous avons vécu le tsunami de la Révolution tranquille et le tsunami du Vatican. Et là, j’ai dit : Wow! Je viens de trouver ma prémisse. Ce sera l’histoire d’un petit couvent de musique lors de la Révolution tranquille au moment où l’État rapatrie l’éducation.

Et là j’appelle Jean-Claude Germain et je lui dis : Toi, tu t’en viens chez nous! Et là, on s’est vus plusieurs fois pour camper toute la période historique : le rapport Parent, l’avènement des polyvalentes et des cégeps, l’avènement de la pilule anticonceptionnelle… Et comme il avait été décidé à Vatican II que les sœurs devaient se dévoiler, pour les religieuses, cette époque-là, c’était comme de passer du Moyen Âge à la modernité.

Ainsi donc, La passion d’Augustine c’est, d’une certaine manière, l’illustration du Québec par le microcosme de ce petit couvent qui va passer lui aussi du Moyen Âge à la modernité. En fait, le cœur du film, c’est l’amalgame de la musique enseignée dans un petit couvent sur le bord du Richelieu, de la relation de sa supérieure Augustine avec la maison-mère et du tirant d’eau qu’était la Révolution tranquille combinée à Vatican II.

La suite...

Télécharger le pdf

50px
25px
50px
25px